A.Ghani Attar, chef de département Architecture á l’Université de Béjaia: « L’architecte est avant tout un visionnaire »Entretien avec A. Ghani Attar , chef de département Architecture de l’université de Béjaia
En marge de la 6e Edition des Portes ouvertes sur le Génie Civil, organisé á l’Univesité de Béjaia, nous avons rencontré le chef de département d’Architecture de l’université de Béjaia, A. Ghani Attar qui a bien voulu répondre à nos questions sur la situation de cette filière importante dans notre wilaya.
En tant que chef de département quelle vision avez-vous de la filière architecture et quels objectifs voudriez-vous atteindre ?Je suis agréablement surpris que vous ayez commencé l’interview en vous interrogeant sur la notion de vision ! Car en effet, l’architecte est avant tout un visionnaire, sa production sert de baromètre permettant de définir le degré du développement atteint par chaque nation, il est appelée a traduire les aspirations de la société en cadre bâtis, à participer à l’édification de notre patrimoine présent en tenant compte de celui du passé et en anticipant sur l’avenir tout en véhiculant des émotions.
En fait donc l’architecte est comme le poète car il s’inspire du passé pour transcrire des besoins contemporains en les projetant dans l’avenir (Art Archi Texture = Art pour couvrir des besoins en structures ordonnées harmonieuses d’où la symbiose)
C’est dans cette optique de réflexion que le département d’architecture de Bejaia tente de s’inscrire en ayant pour objectif primordial la formation d’architectes de qualité aptes à affronter le monde professionnel avec un regard critique, lucide sur le contexte spatio-temporel actuel et innovant pour l’avenir du fait de la mondialisation.
Quels sont les défis majeurs auxquels est confronté votre département?A vrai dire les défis sont multiples et complexes, nous avons à faire a des situations de court terme qui bouffent systématiquement celles du long terme, la formation en architecture exige un encadrement pluridisciplinaire ou le ratio enseignant enseigné ne doit pas dépasser 1/8, c’est- à-dire, un enseignant pour huit étudiants, il se trouve que ce ratio est en déséquilibre constant jusque-là.
Notre département est composé d’un chef de département, d’un chef de département adjoint et d’une secrétaire pour ce qui est de l’administration et de neuf enseignants permanents (y compris le chef de département et son adjoint) constituant l’équipe de formation pour 750 étudiants. Ce qui engendre un déficit certain d’où la nécessité de faire appel à la vacation en raison du peu de candidats qui se manifestent pour occuper les postes ouverts à cet effet par l’administration.
Donc le premier défis c’est de rétablir l’équilibre entre enseignant et enseignés et de veiller à la qualité pédagogique dispensée même si la tâche est loin d’être aisée.
Nous aspirons à ouvrir le département sur le monde en le connectant avec d’autres écoles d’architecture à travers des conventions d’échange et de collaboration, en l’inscrivant dans une dynamique d’universalité tout en développant une éthique architecturale et urbaine propre à la région de Bejaia dont l’histoire est des plus riches.
Nous aspirons également à créer des laboratoires de recherche en multipliant les cellules de réflexion pour un lendemain prometteur où les notions d’architecture, d’urbanisme et de gestion de la ville seraient les concepts de base. Pour ce faire ; le potentiel existe mais va falloir assoir les conditions nécessaires et l’ordre requis pour y parvenir.
Nous avons saisi la tutelle pour songer à l’édification d’une infrastructure propre à l’architecture offrant un cadre favorable à la formation, nous avons même eu l’idée de prospecter les dernières assiettes encore libres à l’intérieur de l’enceinte universitaire sur lesquelles nos étudiants ont proposé une somme de projets. En attendant nous sommes contraints à partager les espaces pédagogiques avec les autres départements de l’université.
Quelle solution pourriez-vous apporter au manque d’encadrement?Le noble métier d’architecte fait rêver nombre de gens et la filière d’architecture ne cessera de drainer de plus en plus d’étudiants, surtout dans le contexte d’un pays comme le notre, considéré comme un chantier à ciel ouvert avec un nombre astronomique de projets à réaliser.
Cependant, pour palier au problème du manque d’encadrement les solutions sont du moins claires.
A notre humble niveau nous continuons à exprimer dans un premier temps la nécessité de respecter le nombre de places pédagogiques offertes par le département pour les nouveaux inscrits et d’éviter des situations difficiles comme celle de cette année en cours où le nombre d’éventuels inscrits en première année architecture serait de 40 places pédagogiques pour finalement être contraints de prendre en charge 400 étudiants.
La faculté habilitée à recruter de nouveaux enseignants prévoie chaque année des postes budgétaires pour un maximum d’enseignants, alors que peu de personnes se présentent et du coup l’appel lancé reste sans écho. Ce qui nous pousse à procéder en permanence à un travail de prospection sur le terrain pour connaitre les éventuels postulants intéressés par l’enseignement et anticiper sur le nombre de postes budgétaires à prévoir.
De même nous avons sollicité toutes les institutions étatiques ou privées établies sur Bejaia et sa région pour une contribution à l’encadrement des étudiants à travers des vacations ou en tant qu’associés.
Les vraies solutions par contre dépassent largement notre marge de manœuvre, à savoir la mise en œuvre de moyens incitatifs et des conditions nécessaires pour espérer assurer un recrutement qualitatif.
Le déficit en encadrement pédagogique est actuellement le dénominateur commun à toutes les institutions universitaires car cette spécialité est très sollicitée par les bureaux d’études où les rémunérations et les avantages sont plus attrayant mais les efforts de formation de deuxième post graduation fournis par notre secteur et si des mesures idoines incitatives étaient prises permettraient de résorber ce déficit
Certaines filières demandées par les étudiants et exigées par les besoins d’une société qui se modernise graduellement comme le design architectural, manquent à Bejaia. Peut-on espérer régler cette situation dans un avenir proche?Je ne saurai vous répondre dans la mesure où cela dépendra d’une programmation au préalable qui tiendrais compte des exigences de cette filière en termes de moyens humain et matériels comme j’ai eu à l’exprimer ci-dessus dans le cadre prévisionnel. Cependant, le design architectural peut faire l’objet d’un master en tant que spécialité en architecture une fois que le palier licence (L) sera évacué, L’espoir est permis à condition qu’il soit lucide, c’est-à-dire qu’il faut simplement présenter une offre de formation en Master design qui ne sera validée par la conférence régionale centre (CRC) et habilitée par le ministère de la l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique que si toutes les conditions respectant la lois en vigueur soient réunies.
Comme vous pouvez le constater, l’Université de Bejaïa est très ambitieuse dans sa vision de l’avenir innovant en matière de formation, notamment dans le système LMD mais ne dit-on pas que les vents soufflent dans une direction autre que celle dont ont besoin les navires ? Ce qui est certain c’est que le potentiel en place ne cessera jamais de prodiguer l’effort nécessaire à cet effet et c’est le temps qui fera la décantation et je vous remercie pour l’intérêt que vous accordez à notre Université.
bejaia-aujourdhui.com 19.05.2012